Description du cas
Une femme de 85 ans se présente à l’hôpital pour une dyspnée de repos et une orthopnée d’apparition subaiguë en 2 à 3 semaines. Elle vit de manière indépendante à domicile. Elle est connue et traitée pour une hypertension artérielle et un diabète non insulino-requérant.
Au status, on se trouve en face d’une femme en détresse respiratoire, orthopnéique à 90 degrés, transpirante, tachypnéique à 20/min, hypotendue à 95/55 mm Hg avec un pouls régulier à 95/min. La saturation en oxygène est à 91% à l’air ambiant. Les 2 plages pulmonaires révèlent des râles bronchiques couvrant partiellement l’auscultation cardiaque. Celle-ci montre un éclat de B1 à l’apex et de B2 au foyer pulmonaire de même qu’un souffle systolique éjectionnel au mésocarde et au 2 foyers de la base, irradiant dans les carotides. Les jugulaires sont turgescentes avec un reflux hépato-jugulaire. On note également la présence d’œdèmes des membres inférieurs remontant jusqu’aux genoux. L’ECG montre un rythme sinusal à 95/min avec une déviation axiale gauche, un bloc de branche droit complet et un hémibloc antérieur gauche associés à des troubles diffus, non spécifiques, de la répolarisation. La radiographie thoracique confirme la décompensation cardiaque gauche. 24 heures après mise en route d’un traitement classique de dé-compensation cardiaque globale à prédominance gauche, une échocardiographie est demandée pour évaluer la fonction systolique du ventricule gauche. Cet examen va réserver quelques surprises. La première, une volumineuse masse auriculaire gauche de 8 × 4 cm, implantée dans le toit de l’oreillette et prolabant en diastole dans l’orifice valvulaire mitral (Figure 1A,B). Cette masse créée un effet de sténose mitrale critique avec un orifice planimétré à 0,7 cm2 et un gradient moyen de 27 mm Hg (Figure 1C,D). La pression systolique pulmonaire mesurée par flux d’insuffisance tricuspidienne s’élève à 100 mm Hg. La deuxième est une sténose aortique serrée planimétrée à 0,9 cm2 avec un gradient moyen à 34 mm Hg (Figure 2A,B).
Figure 1.
Echocardiographie transthoracique: vues apicales en 4 cavités en systole (A) et en diastole (B) montrant une volumineuse masse auriculaire gauche prolabant dans l’orifice mitral en diastole et réalisant une sténose critique sur le plan hémodynamique (C) et anatomique (D). MVA = surface valvulaire mitrale planimétrée en court axe de la valve.
Figure 2.
Echocardiographie transthoracique: planimétrie en court axe de la valve aortique (A) et gradient sur la valve par interrogation Doppler sur une vue apicale 5 cavités (B); AVA = surface valvulaire aortique par planimétrie directe.

Après discussion avec la patiente et sa famille, on décide de procéder à une résection de la tumeur et un remplacement valvulaire aortique par une bioprothèse de Carpentier-Edwards de 21 mm de diamètre. Le status opératoire montre une infiltration du septum interauriculaire par la tumeur qui se révèle être un sarcome intimal à l’histologie (Figure 3A,B).
Figure 3.
Aspect macroscopique d’un fragment important de la tumeur (a) et histologie (b) montrant un entrelac de cellules fusiformes à gros noyaux. Le profil immuno-histochimique est suggestif d’un sarcome intimal.
Les suites opératoires sont marquées par la survenue d’une maladie de l’oreillette imposant la pose d’un pacemaker et un traitement d’amiodarone, ainsi qu’un épanchement pleural droit nécessitant un drainage prolongé. La patiente regagne son domicile un mois après l’intervention. Aucun traitement complémentaire n’est envisagé.
Commentaires
Cette histoire rappelle, si besoin est, qu’une échocardiographie fait partie de l’évaluation de toute insuffisance cardiaque, quelque soit l’âge du patient. Dans le cas présenté, la revue d’un examen réalisé 3 ans auparavant a montré de manière intéressante que la tumeur du toit de l’oreillette gauche était déjà présente, mais avait été occultée [1]. L’examinateur s’était concentré sur la valve aortique qui présentait à l’époque une sténose modérée. Cette évolution relativement indolente d’une tumeur histologiquement très agressive est donc surprenante [2]. L’avenir nous dira si cette intervention relativement lourde à l’âge de la patiente lui offrira une palliation de bonne qualité et d’une durée acceptable [3].
References
- Hsieh, P.L.; Lee, D.; Chiou, K.R. l; et al. l. Echocardiographic features of primary sarcomas of the heart. Echocardiography 2002, 19, 215–220. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
- Burke, A.P.; Cowan, D.; Virmani, R. Primary sarcomas of the heart. Cancer 1992, 69, 387–395. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
- Kosuga, T.; Fukunaga, S.; Kawara, T. l; et al. l. Surgery for primary cardiac tumors. Clinical expérience and surgical results in 60 patients. J Cardiovasc Surg. 2002, 43, 581. [Google Scholar]
© 2009 by the author. Attribution - Non-Commercial - NoDerivatives 4.0.