Malgré les progrès thérapeutiques spectaculaires accomplis ces dernières décennies, les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité dans le monde. Qu’en est-il de la Suisse? Publiées en décembre 2014, les dernières données épidémiologiques montrent que les maladies cardiovasculaires, dont principalement la maladie coronarienne, restent également la première cause mortalité dans notre pays (31.7% et 35.6% des décès respectivement chez les hommes et les femmes) [1]. Ses facteurs de risque étant clairement établis depuis de nombreuses années, la maladie coronarienne constitue une cible parfaite pour la prévention
Comment agir en pratique pour entraver cette pandémie? Les dernières recommandations de la société européenne de cardiologie en matière de prévention cardiovasculaire ont abandonné la terminologie classique de prévention «primaire» et «se-condaire» au profit d’une double approche préventive: la stratégie visant la population Générale «population strategy» et la stratégie se concentrant sur les individus à haut risque «high risk strategy» [2]. Ces concepts, développés par un éminent épidémiologue anglais, Geoffrey Rose (1926–1993), sont en général peu familiers des cardiologues, notamment les interventions visant la population, qui peuvent pourtant être extrêmement efficaces. A titre d’exemple, à Liverpool (Angleterre), après les mesures d’interdiction de la fumée dans les lieux publics en 2007, les taux d’admissions pour infarctus du myocarde ajustés pour l’âge ont rapidement chuté pour atteindre une réduction spectaculaire de 42% après 5 ans (Figure 1) [1]. Des résultats similaires ont été obtenus dans de nombreux autres pays dont la Suisse, à plus petite échelle toutefois et de façon moins impressionnante [4,5]. Ces résultats doivent nous encourager dans cette voie et nous permettre de convaincre les décideurs politiques. Cependant, le chemin est encore très long: 28% de la population suisse fumait en 2012 alors cette proportion s’élevait à 30% en 1992 [6]. Aucun progrès en 20 ans malgré les multiples messages de prévention, y compris sur les paquets de cigarettes! Le tabac n’est bien entendu pas la seule cible. Procéder de même en matière d’alimentation (réduction de l’apport en sel et d’acides gras saturés) ou d’activité physique à l’échelle de la population aurait certainement aussi un impact considérable. Les cardiologues seraient d’excellents ambassadeurs de ces mesures de santé publique et pourtant, peu d’entre nous s’y intéressent.
Figure 1.
Observed and modelled rates for all myocardial infarction admissions in Liverpool, 2004–2012, divided by gender. From: Liu A, Guzman Castillo M, Capewell S, Lucy J, O’Flaherty M. Reduction in myocardial infarction admissions in Liverpool after the smoking ban: potential socioeconomic implications for policymaking. BMJ Open 2013;3:e003307 (doi:10.1136/bmjopen-2013-003307).
La deuxième stratégie de prévention consiste à détecter et traiter de façon appropriée les individus à haut risque ou ceux déjà atteints par la maladie coronarienne. Cet axe de prévention concerne évidemment de façon directe les cardiologues et constitue le thème du présent numéro de cardiovascular medicine. Dans le premier article de cette série, les docteurs Carbone et Montecucco de Genève nous proposent une revue des facteurs de risque cardiovasculaire et des différents scores utilisables pour évaluer le risque des patients en mettant en perspective les différences entre les recommandations européennes et américaines. La deuxième revue écrite par le Prof. von Eckardstein de Zurich, président du groupe de travail lipides et athérosclérose de la société suisse de cardiologie, est consacrée aux lipides avec notamment une discussion détaillée d’analyses plus récentes, telles que les particules HDL et LDL ou encore l’apolipoprotéine A-I et B. Finalement, le groupe d’Aldo Pende et collaborateurs de la clinique de médecine interne de Gênes a rédigé un article sur l’intérêt et les limites de cette méthode élégante de détection précoce de l’athérosclérose qu’est l’échographie carotidienne.
Bonne lecture!
References
- Office fédéral de la statistique. 2014. Statistiques des causes de décès. La mortalité en suisse et les principales causes de décès en 2012. http://www.Bfs.Admin.Ch/bfs/portal/fr/index/news/publikationen.Html?Publicationid=5819.
- Perk, J.; De Backer, G.; Gohlke, H.; Graham, I.; Reiner, Z.; et al. European guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice (version 2012). The fihh joint task force of the european society of cardiology and other societies on cardiovascular disease prevention in clinical practice (constituted by representatives of nine societies and by invited experts). Eur Heart J. 2012, 33, 1635–1701. [Google Scholar] [PubMed]
- Liu, A.; Guzman Castillo, M.; Capewell, S.; Lucy, J.; O’Flaherty, M. Reduction in myocardial infarction admissions in liverpool aher the smoking ban: Potential socioeconomic implications for policymaking. BMJ Open 2013, 3, e003307. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
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- Humair, J.P.; Garin, N.; Gerstel, E.; Carballo, S.; Carballo, D.; et al. Acute respiratory and cardiovascular admissions aher a public smoking ban in geneva, switzerland. PLoS ONE 2014, 9, e90417. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed][Green Version]
- Office fédéral de la statistique. 2014. Statistiques de la santé 2014. http://www.Bfs.Admin.Ch/bfs/portal/fr/index/news/publikationen.Html?Publicationid=5766.[Green Version]
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