Les maladies cardiovasculaires sont marquées par la progression lente durant plusieurs décennies de l’athérosclérose avec l’apparition tardive de symptômes lies à l’obstruction aiguë ou chronique des axes vasculaires. L’amélioration de la prise en charge de la phase aiguë de même qu’une meilleure identification des populations à risque ont permis de diminuer la mortalité cardiovasculaire. Les modèles prédictifs restent toutefois très imparfaits de telle sorte qu’une vaste majorité des patients dits à risque haut ou intermédiaire ne présenteront jamais de complication aiguë ni de symptômes.
La revue d’Erbel et al [
1] permet de lever un pan de voile concernant la contribution de la mesure du score calcique par tomodensitométrie (CT) à une meilleure stratification du risque cardiovasculaire. Utilisé en association avec les scores de prédiction classiques (Framingham, Heart score, NCEPT ATP III), la mesure du calcium score permet en effet une amélioration nette de la reclassification du risque (NRI: net reclassification improvement) meilleure que celle obtenue avec les combinaisons de nouveaux biomarqueurs ou les autres méthodes non invasive d’imagerie de détection de maladie cardiovasculaire que sont l’index bras-jambe, l’épaisseur intima-media au niveau carotidien. De nombreuses études prospectives ont également établi la formidable valeur protective d’une absence de calcification coronarienne (score calcique nul). Ces données ont permis de reconnaitre l’utilité clinique d’un dosage du score calcique pour affiner la prédiction d’événements chez les patients avec risque de complication cardiovasculaire modérée (ESC guidelines 2012) [
2]. Dans les faits, il s’agit d’une mesure encore controversée dont le remboursement est encore très encadré ou inexistant dans de nombreux systèmes de santé européens dont la Suisse.
Les principales divergences à une utilisation plus large du score calcique invoquent un risque d’augmentation de l’irradiation médicale (environ 1 mSv par examen ce qui correspond à environ 10 radiographies du thorax face et profil). La crainte d’une augmentation des coûts de la santé en lien avec des examens secondaires générés par un score calcique anormal est également invoquée. Pour mémoire, d’autres examens d’imagerie utilisant des rayonnements ionisants, comme la mammographie ou le CT thoracique à la recherche de nodules pulmonaires suspects, sont communément admis à la recherche de maladie avec une mortalité comparable aux maladies cardiovasculaires. Concernant les coûts générés, l’étude EISNER apporte des éléments de réponse en démontrant une équivalence des coûts de santé entre une stratégie de prévention classique et une autre incluant la réalisation d’un score calcique (3). De façon intéressante, le groupe pour lequel un score calcique était réalisé présentait lors du suivi un meilleur contrôle de ses facteurs de risque classiques (hypertension artérielle, dyslipidémie). Le score calcique permettrait donc possiblement de discuter prévention d’une façon différente avec nos patients grâce à des images qui leur en disent plus que des chiffres ou des statistiques (tension artérielle, valeur de cholestérol, …) et qui participent à leur acceptation de la maladie et à une adhésion au changement. Il demeure bien sûr fondamental d’établir par des études prospectives que l’utilisation du score calcique permet non seulement de mieux prévoir le risque, mais également de le diminuer grâce à une prise en charge différente que s’il n’était pas connu. Une telle démonstration participerait certainement à son adoption unanime.
L’accumulation intra artérielle de calcium est un phénomène complexe avec des macrocalcifications reflétant une cicatrisation/stabilisation des plaques accessibles à une quantification par un score calcique et paradoxalement des microcalcifications en lien avec une activation inflammatoire à l’origine des plaques instables (4). La place unique du PET/CT dans l’imagerie non invasive de l’inflammation vasculaire grâce au F18-FDG (marqueur inflammatoire) et à des traceurs émergeants comme le F18-Na (marqueur de microcalcification) est discutée par Valenta et al (5). Si l’imagerie de l’inflammation vasculaire est encore en quête de reconnaissance clinique, l’évaluation de la perfusion coronarienne est une étape incontournable lors de la prise en charge de la maladie coronarienne. Le PET/CT a également ici une place à part grâce à l’utilisation des marqueurs de perfusion (N13-ammonia, O15-eau, F18-flurpiridaz ou R82-rubidium) qui permettent comme avec aucune autre modalité d’imagerie non invasive de quantifier les altérations de la microcirculation cardiaque intervenant précocement suite à l’exposition aux facteurs de risque cardiovasculaires et de déterminer la perfusion coronarienne absolue. L’évaluation de la perfusion coronarienne au stress par PET/CT a établi sa supériorité diagnostique par rapport aux autres méthodes d’imagerie de stress myocardique que sont l’échographie de stress, la scintigraphie de perfusion ou plus récemment l’IRM de stress pour la détection de maladie coronarienne et a un apport pronostic démontré (6). Son remboursement récent en Suisse est donc légitime, mais sa place dans les algorithmes de prise en charge est encore en construction, en partie en raison de son prix plus élevé et de sa diffusion exclusive aux centres universitaires disposant d’un cyclotron ou d’un volume permettant la rentabilisation d’un générateur de Rubidium. La vulgarisation du PET/CT de perfusion dépendra indéniablement de la commercialisation prochaine de radiotraceurs de plus longue demi-vie qui autorisent une utilisation à distance de leur lieu de production (comme le F18-Flurpiridaz) mais aussi de la généralisation de protocoles hybrides associant durant le même examen une évaluation morphologique des artères coronaires par CT et une évaluation hémodynamique dela perfusion. Ils optimiseront ainsi l’apport de la réserve coronarienne proposée par le PET/CT en discriminant entre des altérations de la microcirculation à prendre en charge par une modification des facteurs de risque cardiovasculaire et des altérations imputables à une sténose épicardique discrète qui serait accessible à un traitement interventionnel.