Présentation du cas
Patient de 27 ans, connu pour des céphalées chroniques en aggravation depuis quelques mois, qui se présente aux urgences avec coma, convulsions, tachycardie et hypertension sévère. Cinq ans auparavant, il avait été traité par chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie pour un sarcome d’Ewing des vertèbres lombaires L
2 à L
5. Aux urgences, le patient est afébrile, les analyses du sang et l’examen du liquide céphalorachidien sont sans particularité. Un examen du fond d’œil met en évidence une hémorragie rétinienne. Un CT-scan est demandé d’urgence, ce qui met en évidence un retard de prise de contraste au niveau du rein gauche (
Figure 1) avec une hypodensité dans la lu- mière de l’artère rénale gauche (
Figure 2). Une sténose de l’artère rénale est confirmée par un ultrason Doppler. Après 24 heures, une IRM cérébrale met en évidence, sur les pondérations T2, un aspect tuméfié, une hyperintensité de signal (blanc) du cortex et de la substance blanche, au niveau occipital et au niveau des hémisphères cérébelleux, de manière symétrique (
Figure 3), indiquant un œdème cortical et sous-cortical. Un diagnostic d’encéphalopathie hypertensive aigue secondaire à une sténose post-radique de l’artère rénale gauche est retenu.
Après l’instauration d’un traitement antihypertenseur puissant, l’état du patient s’améliore et il sort du coma à J+4. Suite à son refus de subir d’autres investigations et contre avis médical, le patient rentre à domicile à J+8. Un suivi ambulatoire est organisé.
Discussion
L’hypertension réno-vasculaire est la cause la plus fréquente de l’hypertension secondaire, et concerne environ 10% de tous les patients hypertendus.
Golddblatt en 1934 fut le premier à démontrer que l’occlusion de l’artère rénale crée l’ischémie rénale, qui à son tour provoque la libération de rénine et, via l’activation du système angiotensine aldostérone, une hypertension artérielle.
L’hypertension réno-vasculaire est plus fréquente chez les jeunes femmes de moins de 30 ans et les hommes âgés de plus de 50 ans. Les causes principales et les plus connues sont la dysplasie fibromusculaire, surtout chez les jeunes femmes et la maladie athérosclérotique, fréquente chez les patients âgés. D’autres causes moins fréquentes sont cependant responsables de sténose de l’artère rénale notamment les sténoses post-radiques.
L’hypertension sévère a souvent été mise en évidence après une irradiation des reins, ceci durant la phase aiguë ou de manière tardive après plusieurs années ou décennies [
1,
2]. Elle a généralement été attribuée à la néphrite post-radique. Cependant des données expérimentales et de nombreux cas cliniques ont montrés que l’irradiation peut non seulement provoquer des atteintes des petits vaisseaux et de l’interstitium des reins mais aussi des lésions sténosantes des grosses artères comme l’artère rénale.
Les sténoses post-radiques des grosses artères surviennent par différents mécanismes: (1.) l’athérosclérose induite par l’irradiation, (2.) la prolifération de fibroblastes et le dépôt de collagène dans l’intima ou (3.) des lésions radiques des vasa-vasorum. Ces mécanismes de manière isolée ou leur combinaison provoquent des sténoses artérielles [
3].
L’exploration des artères rénales est réalisée par différentes méthodes: l’écho-doppler des artères rénales, l’angio-CT, l’angio-IRM. Ces techniques peuvent être couplées avec une scintigraphie au captopril. Le bilan est complété par une angiographie diagnostique puis éventuellement par un geste d’angioplastie percutanée ou une chirurgie de revascularisation.
Ce cas démontre que l’hypertension secondaire à la sténose post-radique de l’artère rénale peut se développer plusieurs années après le traitement initial, dans ce cas après cinq ans, et entraîner des complications graves telles qu’une encéphalopathie hypertensive. Les patients ayant subi une radiothérapie dans la région des artères rénales devraient être suivis et leur tension mesurée régulièrement pendant dix années ou plus après l’irradiation.